Toute est une question de rapport de force [Tom]

J’étais partit plusieurs jours hors du campement pour aller chercher des armes débarqués fraichement de Callais. Je n’avais rien dit à Cassandra, elle respectait le fait que je ne lui parle pas de tout et je lui en étais reconnaissant. Certaines demoiselles qui étaient passé brièvement dans ma vie cherchaient toujours à tout savoir ce qui avait le don de m’irriter et des les propulser plus vite que le vent hors de ma vie. Cassandra elle, était parfaite à ce niveau là. Elle savait être discrète et tenir sa langue. Elle devait surement savoir que si je ne lui disais pas tout, c’était aussi pour sa propre sécurité. Je ne donnais aucune information en entier à une personne en particulier, surtout concernant les choses importantes de nos actions dans la résistance. Jacob ne savait que quelques informations, et il en était de même pour les autres. Je ne voulais prendre aucun risque et ne pas compromettre toutes les opérations en cour.

Quand je rentrais, je commençais par m’occuper de mon étalon, après tout, ça faisait trois jours qu’il sillonnait les routes, il méritait bien qu’on l’en remercie. Une fois bouchonné avec de la paille fraiche, j’allais vers le lit de camp de ma tendre moitié, mais le trouvais vide… Je l’aurais bien vu en train de faire la lessive encore une fois, au lieu de ça… tout était vide… Aucune trace de ma chérie. Je fis la moue avant de regarder autour de moi et de trouver une humaine qui s’occupait habituellement du linge. J’avançais droit vers elle avec un sourire avenant. En me voyant arriver vers elle, elle en fit de même.

-Ahh Monsieur Thomas ! Vous voila revenu ! Vous êtes tout poussiéreux, donnez moi donc vos affaires que je les nettoie.

Elle était petite et replète, de bonnes joues bien rouges qui reflétaient la bonne humeur constante de cette brave ménagère.

-Vous êtes gentille, mais je voudrais surtout savoir où se trouve la dame de Norvège.

Elle haussa les épaules.

-Et ben votre dame, je l’ai vu partir vers les postes avancés… elle surveille avec les autres quoi !

J’ouvrais de grands yeux. Ma Cassy était sur les premières lignes en cas d’invasion des loups. Je la remerciais d’un effleurement d’épaule et filais en direction de l’endroit indiqué. Pourquoi fallait-il que ma moitié prenne des risques… je l’aurais bien enfermé dans un château de cristal pour qu’elle soit préservée de toute cette agitation mais elle aurait crié au scandale. C’est ce qui me plaisait aussi chez elle. Si j’avais eu deux cœurs, je lui en aurais donné un pour qu’elle soit toujours heureuse en toutes circonstances. Peut être qu’ainsi, elle ne risquerait pas sa vie sur des avants postes.
Comme je savais parfaitement où j’allais, je ne mis pas longtemps à rejoindre les autres. Il y avait un vampire que je voyais souvent, un gaillard à qui j’avais pleinement confiance. Il s’amusait à tailler une pique de bois à coup de doigt… Je lui souris, puis lui demandais où était ma chère et tendre… Il ne l’avait pas vu depuis quelques temps… des loups avaient été aperçu non loin de là et elle y était allé. Je me mordais la lèvre inférieure tandis qu’une ride d’angoisse me barrait le front. En voyant ça, le vampire laissa tomber sa pique et se leva, me proposant de m’aider à la chercher… Je refusais et continuais ma route. Je humais l’air, essayant de capter une odeur lupine, où celle de Cassandra. Je commençais un peu à angoisser quand du sang sur un tronc attira mon attention. Je n’avais qu’à le sentir pour savoir que c’était celui de Cassandra. Je grognais un peu… Ce sang était mi humain et me tentait assez. Je pris sur moi pour essayer de la traquer sans pour autant me mettre en chasse.

J’étais allé trop loin, je revenais donc sur mes pas, allant de tronc à tronc jusqu’à apercevoir une silhouette courbé appuyé contre un arbre. Je sus tout de suite qui était cette silhouette au battement que mon cœur assez rigide habituellement faisait dans ma poitrine. Je courrais comme un damné, déracinant un arbre dans ma course.

-Cassy !!!!!

Le temps que j’arrive près d’elle, elle avait chutée. Je tombais près d’elle dans un espèce de bruit de pierre fendue, posant une main dans son sang sans le faire exprès. Je regardais ma main avec des yeux incrédule… Non elle ne pouvait pas mourir pour si peu, il fallait que son côté vampirique prenne le dessus. J’attrapais rapidement un couteau finement ouvragé et m’entaillais assez profondément le bras gauche au travers des vêtements. Je les arrachais ensuite sans ménagement, me retrouvant torse nu, le bras dégoulinant de sang.
Je passais ma main valide derrière sa tête, et portais mon avant bras entaillé à sa bouche pour lui faire boire mon sang.

-Bois Cassy, bois.

Il fallait qu’elle plante ses dents dans ma chaire, qu’elle n’hésite pas… Je n’étais pas à ça près. Je ne voulais pas vivre sans elle. Récupérer Versailles n’avait aucun intérêt si ce n’était pas pour le mettre à ses pieds.

C’était la première fois que je m’entaillais volontairement de façon à sauver quelqu’un. Je n’avais pas beaucoup de sang dans les veines sachant que ne n’étais qu’à quinze pour cent humain. J’appréhendais un peu la morsure de Cassandra. J’étais capable de l’endurer, ayant connu pire, mais le fait que ça soit Cassandra qui ait besoin de ce sang me perturbait. Que lui était-il arrivé pour qu’elle en soit là ? Cassandra n’arrivait pas à se résigner à mordre dans mon bras. C’était justement pour ça que je m’étais entaillé, en espérant que le sang lui donne envie. C’était sans compter sa répugnance à boire du sang.
Je la serrais un peu plus fortement contre moi de ma main valide, son petit corps que j’aimais tant était parcouru de spasmes. Ça me faisait particulièrement peur de la voir ainsi. Finalement, mon amour mordit doucement dans ma chaire. Je fermais les yeux en serrant les dents. Je sentais son venin me picoter, ce n’était pas agréable, loin de là, pourtant, je ne disais rien, et pire, je me forçais à la regardais faire. Pourtant, je ne lui souriais pas pour l’encourager. Je n’étais pas maitre de moi au point de sourire à la douleur.
Cassandra ne me regardait pas, elle fixait le vide, j’aurais tellement aimé qu’elle me regarde, juste pour que je constate qu’elle allait mieux, qu’elle récupérait… au bout de longues minutes elle laissa sa tête reposer contre l’arbre et se soigna grâce a son don, j’étais soulagé, mais elle semblait extenuée… je lui caressais tendrement la joue en espérant qu’elle s’endorme mais au lieu de ça, elle commença à me parler. Je l’écoutais attentivement.
Selon elle, Jacob était en vie. Non ce n’était pas ça. On lui avait dit que Jacob était encore en vie… mais qui lui avait dit ça ? quelqu’un qu’elle avait rencontré ? Les loups qu’elle était partit combattre et qui lui avaient fait ça ? elle rajouta quelque chose qui me fit hausser un sourcil. Il fallait le sauver pour Rosalie ? il fallait le sauver déjà parce qu’il était un ami, mais également parce qu’il en savait beaucoup. Sa femme n’entrait pas vraiment en ligne de compte pour moi… j’aurais préféré qu’elle reste à la bastille au lieu de cet échange, mais je ne voyais que le côté pratique pour la résistance. Je me mordillais la lèvre inférieur en faisant attention de ne pas m’envenimer moi-même.

-Qui on ?

Elle continua à parler tandis que je léchouillais mon propre sang pendant que ma blessure se refermait. Pourtant, je sentais le venin continuer à me picoter légèrement. Cassandra tremblotait, je ne comprenais pas. Ce qu’elle finit par dire me laissa vraiment perplexe. Elle me disait de sauver Jacob, pour ça, je n’avais pas besoin d’elle pour le savoir et pour m’y ingénier… ce n’était pas si simple et c’était un travail qui se préparait. C’est sa deuxième phrase qui me chiffonnait.

-Qui est-elle ? Une louve ? C’est elle qui t’as fait ça ?

Cassandra me faisait penser à une feuille morte dans la tempête tant elle tremblait. J’aurais bien voulu en savoir plus sur la personne qui lui avait fait ça. J’allais lui écraser les rotules puis tous les os un par un pour lui apprendre à s’en prendre à ma moitié. Mais là, il fallait qu’elle dorme, qu’elle se repose pour reprendre du poil de la bête, et qu’elle me raconte ce qui c’était passé. En attendant, j’étais inquiet. Je me levais, puis me penchait pour la prendre dans mes bras.

- On va rentrer maintenant, tu dois dormir. Ne t’inquiète pas pour Jacob, nous le sortirons de là…

Cassandra se laissait porter sans rien dire, posant sa tête sur mon épaule sans rien dire. Je frôlais ses pensés et en était toujours aussi étonné. Elle me prenait pour son ange gardien ? J’étais un piètre protecteur alors vu l’état où elle se trouvait. Cassandra finit par me regarder dans les yeux. C’était la première fois qu’elle le faisait depuis que je l’avais trouvé tantôt. Je fronçais les sourcils quand elle me demanda de la poser au sol, contre un arbre. Cette pause n’était pas vraiment raisonnable. Elle serait mieux au campement, sur un lit de camp, étant donné qu’elle dormait, je lui trouverais un vrai lit avec un matelas de plumes. Je voulais qu’elle soit bien, la vie militaire n’était pas pour elle.

-Je ne sais pas si c’est raisonnable.

Je la regardais, elle semblait vraiment en avoir envie. Ne sachant rien lui refuser, je la posais au sol à contre cœur. Elle voulait que je me repose, c’était absurde, je pouvais passer des heures sans ne serais-ce que battre des paupières. Pour me requinquer, il me suffisait d’aller me nourrir, enfin, si elle voulait que je le pause c’était peut être que le rythme de mes pas la faisait souffrir ? lui donnait envie de vomir ? Je la regardais avec attention et inquiétude.
Elle me prit le bras pour que je m’installe contre elle, c’est ce que je fis avec un malin plaisir, passant mon bras autour de sa taille pour qu’elle se cale tout contre moi. Elle commença à me parler. Je l’écoutais comme si elle me racontait les évangiles.
Elle était resté des jours sans manger dans les postes de gardes ? Ce n’était vraiment pas raisonnable. J’allais lui interdire l’accès à la lutte direct moi, je ne voulais pas la retrouvé découpé en morceaux de la taille d’un dé à coudre. Cassy se mit enfin à parler de la personne qui lui avait fait ça. Une certaine Lei. C’était elle qui s’occupait de la torture d’un de mes lieutenants. Je soupirais face à la mise en garde qu’elle avait osé proférer à la femme qui partageait ma vie.

-Cette Lei ne manque pas de culot. Je marquais une pause. Ça doit être une folle. Raison de plus pour ne pas t’exposer. Je ne veux pas qu’il t’arrive malheur.

Sans Cassandra, je n’étais pas sur d’avoir le courage de continuer. A part mon frère cadet, je n’avais plus aucuns liens de parentés. Si, il y avait ma tante, Marie, mais nous n’avions jamais été proches… Contrairement à ce que pensait la jeune femme, Jacob et moi n’étions pas proches au point d’êtres amis… Il était le meilleur ami de mon défunt père, nos relations s’arrêtaient là. Je ne voulais cependant pas la couper dans ses explications. Je fus réellement surpris quand je l’entendis parler.

-Pour Jacob, nous fignolons les détails… Nous agirons le jour de son exécution lors de son transfert. Pour ce qui est de ma présence, elle y est impérative. La tienne par contre, il en est hors de questions.

Elle ne pouvait pas me faire ce chantage. Je ne prendrais aucun risque et c’était agir en petite fille capricieuse que de vouloir m’empêcher de mener mes hommes. Elle me regardait en tenant ma main dans la sienne, elle était peut être bornée, mais je préfèrerais encore l’avoir sous bonne garde au campement plutôt qu’en danger avec moi. Si c’était un piège, je le saurais en lisant dans les esprits de mes ennemis. Mais comment pouvaient-ils savoir quand nous comptions intervenir. Je me relevais, un peu en colère, même si je ne montrais rien sur mes traits de ce chantage immonde auquel elle comptait me soumettre.

-Rentrons Cassandra. Quand à la promesse que tu attends, je ne t’en ferais qu’une… celle de te garder en sécurité.

Face à sa boutade sur las tâches ménagères, je tiquais. J’avais été élevé dans la tradition anglicane. Les femmes avaient leurs rôles. Gérer la maison, les enfants, les domestiques… les hommes devaient diriger tout le reste, leur femme, leurs hommes, leurs terres, assurer le bon fonctionnement de tout ce qui ne concernait pas directement les tâches ménagères. Je n’avais jamais compris cet état d’esprit qu’avait mon père adoptif jusqu’à aujourd’hui. Jamais je n’avais vu la reine s’occuper de politique, d’argent de guerre où de quoi que ce soit concernant la prise de décision, elle avait à peine son mot à dire dans le choix de ses demoiselles de compagnie. Cassandra avait tout de même de la chance que je n’ai pas le même point de vue que cet homme. Je lui fis de gros yeux qui n’avaient rien de drôle.

-Je voudrais bien être de ceux là en ce moment ma chère.

Il était de toute manière hors de question qu’elle m’accompagne. Si il lui arrivait malheur ce jours là, je me mettrais encore plus en danger et me plierais en quatre pour la secourir, alors que si elle restait au campement, je ferais en sorte d’y revenir sain et sauf pour l’y retrouver elle aussi entière. Son argument de moitié incomplète ne tenait pas la route face à ce que je pensais. Elle pourrait argumenter autant qu’elle le voulait, après ce qu’il venait de se passer, je ne le lui permettrais pas, et ne permettrais pas non plus qu’elle mette ma suprématie en jeu. Je prenais les décisions, les autres courbaient l’échine, si elle m’obligeait à jouer les monarques tyranniques, je me prêterais au jeu à contre cœur, mais le ferais pour notre bien à tous les deux.

-Oublie tes pourcentages Cassandra. Je préfère mille fois être un homme incomplet dans la bataille et retrouver ma moitié dans la quiétude de mon logis, plutôt qu’être entier sur le champ et revenir seul.

Je ne voulais pas qu’elle meurt dans cette guerre, elle n’en avait pas le droit, et si cette tête de mule désirait n’en faire qu’à sa tête, j’allais la lui briser de façon à y entre un peu de plomb. Il était temps qu’elle se conduise en future reine, et non plus en petite fille indépendante. Ce temps là était fini. Je levais les yeux au ciel… Je ne serais pas seul vu qu’il y aurait une bonne vingtaine de rebelles avec moi… mais sa deuxième partit de phrase me fit adoucir les traits de mon visage qui étaient jusqu’alors crispés.

-En effet Cassy, je pense que le mieux pour toi, comme pour moi que tu reste au camp, tout comme Rosalie d’ailleurs. Je n’ai nul envie de me sentir angoissé pour toi où pour elle lors de cette mission.

Elle se leva enfin, décidé à ne pas me faire une scène, ce qui était de bonne augure pour elle car je n’aurais certainement pas toléré après la peur qu’elle venait de me faire aujourd’hui. Elle se mit à marcher, je la suivais de près, puis constatant qu’elle était sur le point de tomber, je passais une main autour de ses hanches pour la soutenir en cas de chute.

-Tu vois bien que tu n’es pas en état de toute façon, je ne veux pas qu’il t’arrive malheur, suis-je donc si monstrueux pour que tu agisses toujours contre moi ?

Je voulais la culpabiliser de façon à ce qu’elle se plie à mon idée, vu que le haussement de voix ne faisait que la fermer et la bloquer.